Notre histoire
Au commencement
L'Œuvre Nationale de l'Enfance (ONE) est fondée en 1919, dans le souci de lutter contre la mortalité infantile et de venir en aide aux familles par une aide alimentaire. Elle entend poursuivre les actions mises en œuvre par le Comité national de Secours et d'Alimentation durant la Première Guerre Mondiale.
Dès sa création, cet établissement public - c'est-à-dire une institution dotée de la personnalité juridique et qui a pour objet un service d'utilité générale - dispose d'une large autonomie de gestion.
En matière d'organisation, on se trouve dans une logique de subsidiarité. Ce qui signifie que l'Œuvre encourage les initiatives locales (aides financières) et leur fixe un cadre de fonctionnement (agrément). L'ONE ne prend l'initiative qu'en cas de carence des œuvres. A l'époque, cette logique préside également dans tous les secteurs sociaux : les sociétés de retraites, les caisses d'épargne et de prévoyance, les mutuelles, les coopératives, les syndicats, etc.
La mission de l'ONE est définie dans l'article 2 de la Loi du 5 septembre 1919 qui précise que : L'Œuvre Nationale a pour attributions d'encourager et de développer la protection de l'enfance, et notamment : de favoriser la diffusion et l'application des règles et des méthodes scientifiques de l'hygiène des enfants, soit dans les familles, soit dans les institutions publiques ou privées d'éducation, d'assistance et de protection ; d'encourager et de soutenir, par l'allocation de subsides ou autrement, les œuvres relatives à l'hygiène des enfants ; d'exercer un contrôle administratif et médical sur les œuvres protégées. D'emblée les missions de l'ONE sont définies dans une optique d’éducation sanitaire, ce qui est relativement innovant pour l'époque.
La lutte contre la mortalité infantile est au centre de l'action des consultations pour enfants (« de nourrissons » disait-on à l’époque), des Gouttes de lait, des Colonies et des Centres de vacances. Et l'on constate effectivement, dans la plupart des pays industrialisés, une simultanéité entre le déclin de la mortalité infantile, l'amélioration des conditions de vie de la famille, et du niveau d'éducation scolaire des futures mères et la mise en place puis la généralisation de moyens efficaces permettant d'améliorer sensiblement la nutrition et l'hygiène des nourrissons.
Les consultations
Dès l’origine, le caractère préventif des consultations est affirmé. Elles se développent dans les grandes villes et sont fédérées en 1904 par la Ligue nationale belge de protection de l’enfance du premier âge. On compte 73 consultations de nourrissons ou Gouttes de lait à la veille de la Première Guerre mondiale [1]. C’est en 1915 que face à la pénurie généralisée due à l’occupation allemande, le Comité national de Secours et d’alimentation décide de créer des consultations de nourrissons ou des Gouttes de lait partout où cela s’avère nécessaire. La distribution de lait, de vivres ou de vêtements pour les jeunes enfants est alors assortie d’une obligation de fréquenter ces consultations. Leur nombre augmente rapidement : on en compte 231 en 1915 et 922 en 1918… L’habitude – nouvelle dans les milieux populaires – de consulter un médecin dans un objectif de prévention a eu pour effet une réduction de la mortalité infantile au cours de ces années difficiles. La création de l’ONE au lendemain de la Guerre a permis de poursuivre et surtout de stabiliser ces comportements de prévention. La consultation de nourrissons, qui est au centre de cette action, assure le suivi de la santé de l’enfant par une pesée régulière, encourage l’allaitement maternel, donne des conseils aux mères quant à l’alimentation du jeune enfant et à la façon de l’élever « hygiéniquement ». Ces conseils, de même que l’évolution du poids et de la taille de l’enfant, sont consignés dans un carnet du nourrisson.
Les consultations agréées organisent aussi un service de visites à domicile, réalisées à l’origine par une bénévole du Comité de la consultation et par la suite, par une infirmière visiteuse. Les consultations prénatales se développent à partir de 1924, au début, en annexe à la consultation de nourrissons et, par la suite, à proximité des services de maternité. Elles prodiguent des conseils à la femme enceinte, procèdent au dépistage de la syphilis et de la tuberculose, et identifient les accouchements difficiles en vue de prendre les mesures nécessaires à leur bon déroulement.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale
L’invasion de la Belgique, le 10 mai 1940, a pour conséquence d’accroître les activités de l'Œuvre Nationale de l'Enfance, en particulier celles liées au ravitaillement des enfants et des futures mères.
L’autorité allemande interdit la présence d’enfants juifs dans les consultations ordinaires. En accord avec l’Association des juifs de Belgique, des consultations sont mises en place dans les centres où il n’en existait pas. Plus tard, le danger de déportation incite les délégués de l’ONE à se charger d’apporter aux enfants juifs les produits distribués dans les consultations. L'Œuvre reçoit également l’interdiction d’héberger des enfants juifs dans ses établissements.
A partir de 1943, une activité clandestine est entreprise et permettra de sauver plusieurs milliers d’enfants juifs. Madame Feyerick-Nevejean, Directrice de l’ONE à cette période, les sauva soit en les regroupant sous de faux noms à l’abri des « colonies pour enfants débiles », récemment mises en place par les services de l'Œuvre, soit en les retirant d’autorité d’une caserne où les Nazis les avaient regroupés.
Madame Feyerick-Nevejean supervise également le rapatriement d’enfants dispersés par l’exode, prend en charge le sort des enfants prisonniers de guerre et envoie toutes les infirmières de l’ONE secourir les enfants victimes de bombardements [2].
Les travailleurs de l'Œuvre suivent largement l’exemple et prennent, eux aussi, des risques afin d’assurer la sauvegarde des enfants en danger, indépendamment de toute considération sur leur origine ethnique ou culturelle.
C’est en pleine guerre encore que l'ONE met en place un lactarium, installe un comité de coordination des différentes Œuvres par commune, et organise un début de fusion de consultations proches.
Durant les Trente Glorieuses
A la fin des années 1940, la mortalité maternelle touche encore 50 femmes pour 100.000 accouchements. En 1953, l'ONE organise, avec l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un congrès consacré à l'étude des causes de cette mortalité périnatale, qui débouche sur la généralisation d'un suivi universel précoce et régulier via des consultations prénatales gratuites incluant un suivi médical.
L'Œuvre Nationale est une nouvelle fois pionnière en conseillant aux médecins des "prénatales" la détermination du groupe sanguin, du facteur rhésus chez toutes les jeunes femmes enceintes, tout comme dans les années 70, elle le fera pour la toxoplasmose.
L'ONE préconise également, dès 1958, la préparation à "l'accouchement sans douleurs" dans toutes les consultations prénatales.
C’est en 1959 que l’ONE recommande aux médecins des consultations de nourrissons de vacciner les enfants contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. Le vaccin contre la poliomyélite sera également proposé dès que les consultations seront équipées de frigo pour en assurer la conservation.
Des actions spécifiques destinées à des populations plus vulnérables vont également être entreprises. C'est le cas des actions en faveur des enfants de forains ou de bateliers ou encore des enfants issus de l'immigration récente. Le car sanitaire sera lancé en juillet 1952, assurant aux populations vivant en zones rurales peu accessibles, un suivi préventif de qualité.
L'accueil
Les premières crèches datent de 1845. Dès sa création, l'ONE porte un intérêt à l'accueil de l'enfance, assurant la surveillance de crèches et de nourrices agréées : Nul ne peut recevoir en nourrice ou en garde moyennant salaire sans une autorisation préalable des enfants de moins de 7 ans. Des infirmières visiteuses se rendent ainsi au domicile des nourrices et des gardiennes.
La Loi du 5 septembre 1919 ne fait aucune mention explicite des crèches ou des pouponnières qui ne sont guère distinguées. Cette situation reflète l'opinion défavorable à l'égard du travail des mères qui trouve un écho au sein de l'ONE. Les crèches sont alors considérées comme un " mal nécessaire " et l'on ne fera donc rien pour les développer.
Ainsi, dans son rapport sur l’activité de l’ONE de 1915 à 1945, Henri Velge [3] souligne que l’existence des pouponnières s’impose car il y aura toujours des cas d’enfants orphelins tandis que la crèche au contraire, ne présente qu’une nécessité sociale actuelle. Beaucoup de mères de familles, en effet, travaillent à l’atelier, mais on peut espérer que cette situation s’atténuera et envisager l’existence d’une société où elles ne seront plus contraintes de travailler hors de leur foyer. [4]
Il faudra attendre le début des années 70 pour que les crèches soient subsidiées sur base de leur encadrement, alors que jusque-là elles étaient subventionnées sur base d'un montant forfaitaire par journée de présence d'enfants de familles à faibles revenus.
Après les 70's
En 1978, l'ONE lance une vaste campagne de prévention de la prématurité.
Dès 1979, l'Œuvre Nationale subventionne une recherche interuniversitaire sur le sujet de la maltraitance et de la négligence. Cette recherche démontre la nécessité de réorienter les services dans le sens d'une approche préventive pluridisciplinaire. S'ensuit la mise en place des équipes SOS en 1985.
Suites aux différentes réformes institutionnelles, les matières dites personnalisables (l'enseignement, la recherche, la culture, la promotion de la santé, l'Aide à la jeunesse et les matières confiées à l'ONE) relèvent dorénavant des Communautés.
L'Œuvre Nationale de l'Enfance cède la place à l'Office de la Naissance et de l'Enfance par l'adoption du Décret du 9 mars 1983 portant création de l'Office, compétent pour la partie francophone de la Belgique.
Désormais, Kind en Gezin sera compétent pour la partie néerlandophone du pays, et par la suite, sera créé le Dienst für kind und Familie pour la Communauté germanophone (devenu depuis Kaleido-DG).
A partir de 1990, les Collèges des Conseillers pédiatres et gynécologues structurent le contenu des Consultations Préventives autour de Programmes de santé prioritaires. Cette démarche sera progressivement généralisée notamment via la publication d'ouvrages de référence concernant le suivi de grossesse, la médecine préventive du jeune enfant, le suivi post-partum, la santé de l'enfant en collectivité.
Parmi les programmes développés, on retrouve, la promotion de l'allaitement maternel et d'une alimentation saine, la politique de vaccination, les dépistages auditifs et visuels, le suivi du développement staturo-pondéral et neurologique, le dépistage de la tuberculose, la santé bucco-dentaire, la prévention de la maltraitance et la promotion de la bientraitance.
Les années 2000
Les missions de l'Office sont redéfinies en 2002 suite à un plan de réforme et de relance qui vise à améliorer le fonctionnement de l'institution et à mieux répondre aux nouveaux besoins des familles. Elles sont mises en œuvre selon des modalités définies dans un contrat de gestion conclu avec le Gouvernement de la Communauté française.
Ces missions s'articulent autour de deux piliers principaux :
- L'accompagnement de l'enfant dans et en relation avec son milieu familial et son environnement social,
- L'accueil de l'enfant en dehors du milieu familial.
L'ONE développe, en parallèle, des missions transversales communes à ces deux grands piliers. Celles-ci se déclinent notamment à travers le soutien à la parentalité et l'information des (futurs) parents, la promotion de la santé et l'éducation à celle-ci, la promotion de la formation continue des acteurs des politiques de l'enfance, la réalisation de recherches, l'évaluation des besoins et des expériences innovantes ou encore la proposition d'initiatives nouvelles.
En 2003, la Communauté française et l'ONE lancent le premier "Plan Cigogne". Son objectif ? Multiplier les places d'accueil de la petite enfance (0 à 3 ans) de manière à rencontrer les besoins des enfants et la demande des parents.
Durant cette même année, de nouvelles missions sont également assignées à l’Office. Celles-ci concernent l’accueil des enfants âgés de 3 à 12 ans durant leur « temps libre », à savoir l’accueil extra-scolaire, les écoles de devoirs et les centres de vacances.
L’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 17 décembre 2003 définit un Code de qualité destiné à l’ensemble des structures accueillant des enfants âgés de moins de 12 ans. Il leur impose notamment la rédaction d’un projet d’accueil et prévoit la délivrance par l’ONE d’une attestation de qualité pour celles qui en font la demande.
En 2004, l'Office réforme l'organisation des consultations pour enfants. Sur base d'une analyse des besoins de sa population, chaque consultation propose désormais un projet "santé-parentalité" adapté. Elle offre également 15 examens médicaux destinés aux enfants âgés de 0 à 3 ans et 3 examens de 3 à 6 ans. Des suivis renforcés sont assurés à l'attention des familles le nécessitant.
De nos jours
A la suite de la 6ème réforme de l'Etat, l'ONE a reçu en 2015 des moyens supplémentaires en matière de politique d'accueil et de nouvelles compétences relatives au suivi préventif de la santé des enfants.
Les nouvelles compétences "santé" concernent la politique de vaccination des enfants, l'accompagnement et le subventionnement des services de Promotion de la Santé à l'Ecole (PSE), le dépistage des anomalies métaboliques, le dépistage néonatal de la surdité et la prévention en matière de santé bucco-dentaire.
Fort de ces évolutions devenues ses atouts, l'Office peut se définir comme l'organisme de référence de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour toutes les questions relatives à l'enfance, aux politiques de l'enfance, à l'accompagnement médico-social de la (future) mère et de l'enfant, à l'accueil de l'enfant en dehors de son milieu familial et au soutien à la parentalité.
L'institution s'appuie aujourd'hui sur l’implication quotidienne de plus de 7000 personnes (professionnels ou volontaires) et des valeurs qui les fédèrent - la qualité, l'éthique, la bientraitance, la continuité et l'équité -, pour relever les importants défis qui lui sont posés : l'évolution des structures familiales, la croissance démographique, la lutte contre les inégalités sociales et de santé, le soutien à la parentalité, l'évolution institutionnelle de la Belgique et les progrès de la science.
[1] Bulletin de la Ligue nationale belge pour la protection de l’enfance du premier âge, 1913
[2] A la fin de sa vie, Madame Feyerick-Nevejean a d’ailleurs été honorée du titre de « Juste parmi les justes ».
[3] Secrétaire Général de l’Œuvre Nationale de l’Enfance entre 1919 et 1948
[4] Henri VELGE, « L’Activité de l’Œuvre Nationale de l’Enfance pendant vingt-cinq ans. (1915 à 1940) », Œuvre Nationale de l’Enfance, p.111.