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Rencontre avec Solayman Laqdim, délégué général aux droits de l’enfant

Agé de 43 ans, Solayman Laqdim est délégué général aux droits de l’enfant (ou DGDE) depuis quelques mois. Quelles sont ses priorités ? Que propose-t-il concrètement ? Comment compte-t-il toucher les enfants ? Découvrez notre interview avec cet homme à la fois simple et engagé.

One.be : Vous avez une forte expérience dans le secteur de l’aide et de la protection de la jeunesse. Pour quelles raisons la cause des enfants vous tient-elle particulièrement à coeur ?

 

S. L. : Sans entrer dans les détails, il y a probablement quelque chose d’ordre biographique qui m’a amené à m’intéresser aux jeunes et aux familles vulnérables. Puis, j’ai toujours voulu gagner ma vie en me mettant au service des personnes les plus fragilisées de notre société.

 

La précarité a des répercussions dans une multitude de domaines.

 

One.be : Vous dites que la priorité des priorités, c’est la lutte contre la pauvreté. Pourquoi ?

 

S. L. : Les enfants qui ont le plus de difficultés à faire valoir leurs droits proviennent malheureusement souvent de familles en grande précarité. Et cette situation a des répercussions dans une multitude de domaines. A titre d’exemple, les familles pauvres vivant à la campagne peuvent avoir des problèmes de mobilité et, par conséquent, un accès limité aux activités culturelles, sportives, etc. Ou encore, les enfants provenant de familles précaires n’ont souvent pas suffisamment accès aux soins de santé mentale car les centres de santé mentale sont saturés et les délais d’attente y sont souvent très longs. Malheureusement, pour bénéficier de soins thérapeutiques accessibles dans un délai raisonnable, ces enfants doivent s’orienter vers des psychologues du privé, ce qui a un coût beaucoup trop élevé.

 

Certaines aides pénalisent davantage qu'elles n'aident.

 

One.be : Que proposez-vous pour agir sur ce problème ?

 

S. L. : Il faut agir à différents niveaux :

  • Par exemple, en instaurant la gratuité dans les cantines scolaires car actuellement 1 enfant sur 4 n’a malheureusement pas à manger à midi, à l’école ! C’est possible : certains pays avec moins de moyens fincanciers que la Belgique l’ont fait ! 1€ investi dans cette politique, c’est 4€ gagnés au niveau sociétal : les enfants sont plus concentrés pendant les cours, il y a un impact positif au niveau sanitaire, notamment dans la lutte contre l’obésité, etc.
  • Il faut aussi davantage démocratiser la culture et rendre les voyages scolaires plus accessibles.
  • Il faut par ailleurs agir sur le statut administatif des parents car certaines aides sont parfois fortes intrusives, maltraitantes et pénalisent davantage qu’elles n’aident. Il est également important de continuer à faciliter l’accès aux milieux d’accueil pour les ménages monoparentaux.

De base, les enfants sont dans une sitation de vulnerabilité potentielle.

 

One.be : Y a-t-il certains droits qui sont plus importants que d’autres ?

 

S. L. : S’il n’y a pas de hiérachie entre les droits, ceux des mineurs étrangers non accompagnés (MENA) et des jeunes migrants en transit représentent une priorité car ce public est particulièrement vulnérable, notamment en raison :

  • de la méconnaissance de la langue française
  • d’un manque d’accès à l’école ou au monde du travail
  • d’un manque de couverture auprès d’une mutuelle
  • de l’occupation de logements précaires et souvent insalubres
  • d’un ensemble de droits non respectés
  • d’une couverture médicale insuffisante
  • du peu de suivi d’ordre thérapeutique pour surmonter les traumatismes vécus
  • du manque d’accès au système de garderie pour les enfants des personnes étrangères inscrites dans le parcours d’intégration

En ce qui concerne l’accompagnement des MENA, outre le fait qu’il y ait un manque cruel de tuteurs et que ceux-ci n’aient pas suffisamment de moyens pour assumer leurs différentes missions, une attention accrue doit être portée à la prise d’autonomie de ces jeunes.

Il faut aussi renforcer les aides et la prévention contre les situations de maltraitance infantile car, de base, les enfants sont dans une situation potentielle de vulnérabilité. Il est important de les protéger lorsque cela est nécessaire.

 

One.be : Pour défendre les droits des enfants, il faut que ceux-ci les connaissent. Comment pensez-vous pouvoir les toucher ?

 

S. L. : Mon institution essaye de tout mettre en œuvre pour faciliter l’accès à cette information en la vulgarisant dans un langage accessible aux enfants. Mon équipe et moi-même nous appuyons aussi sur tous les moyens de communication et de diffusion que les jeunes utilisent (réseaux sociaux, télévision, médias destinés aux enfants).

La promotion d’une culture des droits de l’enfant nécessite également une sensibilisation des adultes. Le parent qui exerce son autorité parentale, le professionnel qui est amené à prendre en charge un enfant dans le cadre de ses fonctions, les autorités mandantes (administratives ou judiciaires) qui prennent des décisions dans l’intérêt du jeune, le corps professoral et éducatif des écoles, l’autorité politique lorsqu’elle adopte une législation… doivent veiller à respecter l’effectivité de ces droits. D’où la nécessité de les promouvoir de manière permanente, notamment lors de rassemblements d’envergure ou dans des lieux récréatifs. Ces campagnes de promotion et d’information à l’attention du public doivent être co-construites avec les jeunes eux-mêmes et en partenariat avec les acteurs défendant les droits de l’enfant.

 

One.be : Comment collaborez-vous avec l’ONE ?

 

S. L. : Il s’agit d’une bonne collaboration institutionnelle. Nous sommes également souvent en contact avec les acteurs de terrain comme l’Accueil Temps Libre, les équipes SOS enfants, les SASPE (Services d’Accueil Spécialisés de la Petite Enfance), les PEP’s…  

 

One.be : Avez-vous un conseil à donner aux parents, en tant que DGDE ?

 

S. L. : Etre parent, c’est un savoir être, pas un savoir faire. Faites de votre mieux et tout ira bien. Et si vous rencontrez une difficulté, n’hésitez pas à solliciter l’aide d’un professionnel afin qu’ils puisse vous accompagner et vous permettre de surmonter tout cela.

 

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